2011-04-29

John Stuart Mill

"Il y a, de l'aveu de chacun, une tendance puissante dans le monde moderne vers une constitution démocratique de la société, qu'elle soit accompagnée ou non par des institutions politiques populaires. On affirme que dans le pays où cette tendance prévaut le plus, qu'aux États-Unis, où existent la société et le gouvernement les plus démocratiques, le sentiment de la majorité à qui déplaît toute manière de vivre trop brillante ou trop dispendieuse pour qu'elle puisse espérer l'égaler, fait assez bien l'effet d'une loi somptuaire ; et il est, dit-on, maintes parties de l'Union où une personne très-riche peut difficilement trouver quelque façon de dépenser sa fortune qui ne lui attire pas la désapprobation populaire. Quoique cet exposé exagère grandement sans aucun doute les faits existants, néanmoins l'état de choses qu'il décrit n'est pas seulement concevable et possible ; c'est le résultat fort probable des idées démocratiques alliées à cette notion, que le public a le droit de mettre son veto sur la manière dont les Individus dépensent leurs revenus. Maintenant nous n'avons plus qu'à supposer une diffusion considérable des opinions socialistes, et il peut devenir infâme aux yeux de la majorité d'avoir autre chose qu'une très-petite propriété ou qu'un revenu gagné par le travail manuel. Des opinions semblables (en principe du moins) ont déjà fait de grands progrès dans la classe ouvrière, et pèsent d'une façon oppressive sur ses propres membres. Voici qui est bien connu : les mauvais ouvriers (qui sont en majorité dans beaucoup de branches de l'industrie) professent l'opinion arrêtée qu'ils devraient avoir les mêmes gages que les bons, et qu'on ne devrait permettre à personne, sous prétexte de travailler à la pièce ou autrement, de gagner plus, par plus d'habileté ou plus d'adresse, que les autres. Et ils emploient une police morale, qui devient à l'occasion une police physique, pour empêcher les habiles ouvriers de recevoir et les maîtres de donner une rémunération plus considérable pour de meilleurs services." (De la liberté, John Stuart Mill)


 

Aucun commentaire: