2009-01-27

Lettre ouverte aux députés

(Le riant logement social de Bratislava - source : Commons)

"Dans quelques jours, vous débattrez du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Loin de répondre à l'urgence en matière d'hébergement et aux besoins de logements économiquement accesibles, ce texte prévoit de précariser encore plus des populations fragiles en facilitant les expulsions et en remettant en cause le droit au maintien dans les lieux pour les locataires du logement social. Ce projet porte, en outre, gravement atteinte à la mixité sociale en réservant les HLM aux plus pauvres.

(...) Toute personne le désirant doit se voir garantir un logement stable par l'Etat (ce que d'ailleurs la loi DALO dispose dans ses articles 1 et 4).

(...) La mixité sociale qui est l'un des fondements de notre pacte républicain, ne peut se satisfaire d'une politique qui viserait à réserver uniquement le logement social aux plus pauvres, aggravant davantage encore la formation de véritables ghettos en périphérie de nos villes. Il ne s'agit pas d'opposer les besoins des classes moyennes ou modestes à ceux des plus pauvres, mais de bâtir une politique logement capable de renforcer notre cohésion sociale.

(...) Pour toutes ces raisons, parce que notre société exige la mise en place d'une autre politique de l'habitat volontariste basée sur :
- le développement de la production de logements sociaux, (...)
- la garantie de la pérennité et de l'intégrité du "1 % logement" et une utilisation des fonds récoltés conforme aux missions d'intérêt général définies par les partenaires sociaux
- la fin du désengagement financier de l'Etat (moins 7 % au budget de l'Etat pour 2009).

(...) Les organisations signataires refusent ce texte et demandent la mise en place de moyens financiers et budgétaires permettant, dès 2009, de mettre en oeuvre des mesures d'urgence pour produire plus de logements sociaux, mieux encadrer les loyers (...)

Organisations signataires : L'AFOC - LA CGL - LA CLCV - LA CNL - LA CSF - LA CFDT - LA CFE-CGC - LA CFDT - LA CGT - FO
(...)
Rejoints par : ADVOCACY FRANCE - LA FSU - LA JOC - SOLIDAIRES - L'UNHAJ"

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Logement social, ou socialisme urbain ?

Cette lettre ouverte, dont voici les meilleurs ou plutôt les pires extraits, a de quoi faire bondir : pourquoi ces organisations de gauche n'acceptent-elles pas que le logement social soit réservé aux plus nécessiteux ?

Si l'objectif est de garantir à chacun un toit, chacune des phrases de ce texte a des effets qui produisent l'effet inverse de celui qui est recherché :
- le "droit" au maintien dans les lieux de foyers qui dépassent les plafonds d'accès au logement social s'exerce aux dépens des plus nécessiteux ;
- le refus de réserver les logements sociaux aux plus pauvres s'exerce aussi, alors que les ressources sont finies, au détriment de ces mêmes plus pauvres .

Contribuable, je finance ces logements. Autant je peux comprendre la logique consistant à donner un toit aux plus pauvres, autant je ne comprends pas pourquoi je devrais financer le logement des classes moyennes. Pour parler plus clair, je ne comprends pas comment un socialiste peut défendre le maintien dans les lieux de familles bourgeoises quand des prolétaires dorment dans la rue.

Par ailleurs, pour répondre à la "crise du logement", pourquoi faudrait-il une politique basée sur le développement de la production de logements sociaux ? Et pourquoi pas sur le développement de la production de logements privés ? Ce qui importe, s'il y a pénurie, c'est la production de m² de logements, qu'ils soient publics ou privés. Et l'expérience a montré que le développement du logement social depuis 1945 s'est accompagné d'autres maux sociaux, auxquels il n'est probablement pas étranger, dans les "cités", les "quartiers sensibles".

Les missions d'intérêt général "définies par les partenaires sociaux" ?! Les partenaires sociaux sont des associations défendant des intérêts individuels coalisés, corporatistes. En quoi sont-ils plus à même de fixer les missions d'intérêt général de la politique publique du logement, si politique publique du logement il doit y avoir, que le Parlement ? On a le fâcheux sentiment que les syndicats et associations signataires défendent plus leurs intérêts propres que les intérêts des plus mal logés...

L'encadrement des loyers réduit la rentabilité du logement, donc l'incitation à investir pour construire. S'il y a pénurie, les prix et les loyers doivent monter, donnant mécaniquement une incitation à construire ; encadrer les prix, c'est supprimer l'incitation à construire et à louer. De même, le refus de l'expulsion est une atteinte au droit de propriété, qui réduit aussi artificiellement l'incitation à investir pour construire et louer. On peut y ajouter l'effet d'éviction, qui contribue, par le détournement de moyens financiers au service d'une inefficace politique publique du logement, à générer la crise du logement qui en constitue la justification.

Evidemment, ce texte se termine sur l'antienne bien connue : il faut que l'Etat c'est-à-dire les contribuables (directs et indirects) paient pour les politiques conçues par les syndicats... Comme l'écrivait Frédéric Bastiat dans La Loi : "Ils veulent être bergers, ils veulent que nous soyons troupeau. Cet arrangement présuppose en eux une supériorité de nature, dont nous avons bien le droit de demander la preuve préalable. Remarquez que ce que je leur conteste, ce n'est pas le droit d'inventer des combinaisons sociales, de les propager, de les conseiller, de les expérimenter sur eux-mêmes, à leurs frais et risques; mais bien le droit de nous les imposer par l'intermédiaire de la Loi, c'est-à-dire des forces et des contributions publiques. (...) Car la prétention de faire intervenir le pouvoir et l'impôt, outre qu'elle est oppressive et spoliatrice, implique encore cette hypothèse préjudicielle: l'infaillibilité de l'organisateur et l'incompétence de l'humanité".

Les solutions sont ailleurs, et elles sont expliquées, mieux que je ne le ferais, par Vincent Bénard dans son ouvrage : Le logement : crise publique, remèdes privés.

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